Une centaine de militaires congolais sont déférés devant le tribunal militaire de garnison de Butembo-Lubero, dans la province du Nord-Kivu. Les audiences foraines de flagrance ont été ouvertes à Musienene, dans le territoire de Lubero, contre ces soldats accusés de plusieurs infractions, notamment assassinat, extorsion, viol, vol, pillage, dissipation de munitions de guerre, fuite devant l’ennemi, perte d’armes et espionnage.
Le premier jour des audiences a été consacré à l’identification des prévenus. Au total, 67 militaires issus de différentes unités étaient présents devant le tribunal. Les autres, qui avaient déjà pris la fuite vers Beni, ont été arrêtés et seront ramenés à Lubero pour être jugés conformément au Code judiciaire militaire congolais, a affirmé le lieutenant-colonel Mak Hazukay, porte-parole des opérations Sukola 1 Grand Nord.
Il parle d’un procès à valeur pédagogique pour les autres militaires engagés dans les opérations en province du Nord-Kivu, qui sont censés défendre le territoire national.
« Ces militaires qui ont fui le front ont commis des actes qui ont déshonoré l’armée congolaise. Ils sont une centaine, mais nous en avons présenté ici 67, car nous n’avons pas encore récupéré ceux qui se trouvent à Beni. Nous avons présenté ceux qui ont commis des exactions à Lubero, Musienene, Kimbulu et aux environs de Butembo. C’est la raison des audiences foraines de flagrance : traiter les cas de ces militaires indisciplinés qui déshonorent la République. Ils ont cherché à discréditer notre armée et à donner des arguments à l’ennemi », a-t-il expliqué.
Pillage systématique et panique
Les faits se sont déroulés mercredi 19, jeudi 20 et vendredi 21 février 2025. Un groupe de militaires fuyant l’avancée des rebelles du M23 dans la partie sud du territoire, a provoqué une panique générale en tirant plusieurs coups de feu dans plusieurs villages situés le long de la route Butembo-Goma, en commençant par la commune de Lubero-Centre, Kimbulu, Musienene et d’autres villages proches de Butembo. Ils se sont livrés à un pillage systématique, au vandalisme et à divers autres actes considérés comme des infractions par le parquet militaire.
Des impacts de balles, des portes enfoncées à coups de feu, des villages vidés de leurs habitants… De nombreux villageois, paniqués, ont cru à une prise de contrôle de leurs localités par les rebelles du M23, qui se rapprochent dangereusement des villes de Butembo et de Beni. L’atmosphère reste tendue dans la région, les activités demeurent paralysées et les habitants, encore cachés, hésitent à regagner leurs foyers. Ce lundi, certains ont commencé à revenir pour évaluer les dégâts, explique Muhindo Mahitania Jackson, chef de bureau de la Fédération des entreprises du Congo (Fec) à Lubero.
« Les activités n’ont pas encore repris parce que les gens sont encore terrés chez eux. Les commerçants n’ont plus les moyens de rouvrir leurs boutiques, car elles ont été pillées. Plus de 36 commerces et plusieurs ménages ont été saccagés ici, au centre de Musienene. C’est pourquoi nous demandons aux autorités de traduire ces militaires en justice pour éviter que de tels actes ne se répètent », a-t-il déclaré.
Les victimes étaient nombreuses au bureau de la chefferie des Baswagha à Musienene, où se déroule le procès. Elles réclament justice et la restitution de leurs biens pillés par ces militaires.
« Ce n’est pas honorable que des militaires censés nous protéger nous fassent subir de telles souffrances. Ils doivent être condamnés pour servir d’exemple à d’autres soldats indisciplinés », a martelé Katembo Kahiri Augustin, l’une des victimes.
Ces audiences, organisées par le tribunal militaire de garnison de Butembo-Lubero, interviennent dans un contexte d’insécurité grandissante. Les affrontements se poursuivent dans le sud du territoire de Lubero et se rapprochent dangereusement des villes de Butembo et de Beni. Bien que le M23, soutenu par l’armée rwandaise, contrôle déjà la localité de Kipese, les FARDC et les groupes armés d’autodéfense appelés Wazalendo ripostent pour stopper leur avancée.
Delphin Mupanda/MCP, Nord-Kivu