En République démocratique du Congo, deux opposants historiques au passé tumultueux unissent leurs forces. Simple coup d’éclat ou vraie menace pour le pouvoir ?
Eugène Diomi Ndongala, vétéran de la politique congolaise et ancien prisonnier politique de Kabila, et Jean-Marc Kabund, ex prisonnier politique devenu fer de lance anti-Tshisekedi, se sont rencontrés lundi 10 mars 2025 à Kinshasa.
Dans un pays où la tension politique est à couper au couteau, cette entrevue n’a rien d’anodin. Alliance stratégique ou feu de paille ? Une chose est sûre : la dissidence en République démocratique du Congo (RDC) pourrait bien avoir trouvé un nouveau souffle.
Des hommes forgés par le feu
Eugène Diomi Ndongala n’est pas un inconnu. Parmi les plus jeunes ministres sous Mobutu, puis ministre des Mines en 2003, il a goûté au pouvoir avant de plonger dans la tourmente, au sacrifice de sa personne. Emprisonné par Kabila après son action de terrain pour revendiquer la victoire d’Etienne Tshisekedi en 2011, il a passé des années derrière les barreaux. Par la suite, il a obtenu une condamnation du régime Kabila auprès du Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies, ce qui sera fatal au régime Kabiliste. Libéré en 2019, vaiinquer de son procès en révision en 2022, il revient avec une détermination froide : continuer sa lutte contre ceux qui ont essayé de le briser et qui négligent les intérêts du Grand Congo.
Face à lui, Jean-Marc Kabund-A-Kabund, un homme au parcours plus récent, mais tout aussi explosif. Ancien numéro deux de l’Udps, il était le bras droit d’Étienne Tshisekedi avant de claquer la porte en 2022, en désaccord avec Félix.
Arrêté pour outrage au chef de l’État, il a croupi en prison jusqu’à sa libération surprise en février 2025. Depuis, il cogne dur, dénonçant un Tshisekedi qui, selon lui, a « échoué sur toute la ligne » (guerre dans l’est, misère galopante, promesses trahies…).
Diomi et Kabund ont un point commun : ils critiquent efficacement et avec des diagnostiques d’acier ! Et leur rencontre pourrait transformer leur détermination en fer de lance politique.
Le timing de cette rencontre n’est pas un hasard. L’opposition, désorganisée, s’est effritée face à un pouvoir qui resserre son étau. Pendant ce temps, l’Est s’enfonce dans le chaos : le M23/AFC, soutenu par l’armée rwandaise, a planté son drapeau à Goma en janvier 2025 et Bukavu fin février 2025. Kinshasa a promis une riposte rigoureuse.
Les Congolais suffoquent. Inflation, insécurité.
Le dialogue
Diomi Ndongala et Kabund prônent la tenue d’un dialogue pour « donner une chance à la paix », comme rappelle Eugène Diomi Ndongala dans son projet de dialogue publié depuis avril 2024, dans un essai politique d’une quarantaine de pages.
Que mijotent-ils ? Les détails de leur tête-à-tête restent flous, mais les hypothèses fusent. D’abord, unir la dissidence. Kabund, avec son charisme brut et ses saillies incendiaires, pourrait rallier les foules. Eugène Diomi Ndongala, avec son expérience, sa technicité de politologue ainsi que son réseau, apporterait la structure. Ensemble, ils pourraient transformer les frustrations populaires en mouvement cohérent, martelant les failles du régime : corruption endémique, échec sécuritaire, économie en crise…
Le pouvoir pourrait mal encaisser ce duo. Répression ? Arrestations ? Le scénario de 2022 quand Kabund a été cloué, et celui de 2011 quand Eugène Diomi fut injustement arrêté par Kabila, pourrait se répéter.
Viser 2028
Même si l’échéance semble distante, poser dès maintenant les bases d’une coalition électorale est un pari audacieux. « Le bilan de Tshisekedi est sans appel », martèle Kabund. Diomi Ndongala avait depuis des mois critiqué la gestion de l’actuel exécutif ainsi que la volonté du régime actuel de toucher à la Constitution en vigueur, la définissant comme un « casus belli » que le pays ne pouvait pas se permettre.
Vers l’inconnu
La rencontre entre Eugène Diomi Ndongala et Jean-Marc Kabund n’est pas qu’un symbole. C’est un signal : la dissidence se réveille.
Reste à savoir si ce rapprochement survivra aux tempêtes (pressions, divisions internes, poids du passé).
Et ce tête-à-tête pourrait bien être le premier chapitre d’une saga explosive.
LM