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Nord-Kivu : la « double face » du FPP/AP pour des intérêts miniers (FARDC)

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Les réactions continuent d’affluer après l’allégeance d’un groupe armé à la rébellion du M23, alliée au Rwanda, dans la province du Nord-Kivu. Lors d’une communication ce lundi 10 mars 2025, le lieutenant-colonel Mak Hazukay, porte-parole des opérations Sukola 1 Grand Nord, a dénoncé la « double-face » du général-major autoproclamé Kasereka Kasyano Kabido, commandant du Front des Patriotes pour la Paix/Armée du Peuple (FPP/AP).

« Dans cette histoire des Wazalendo, on savait bien qu’il y avait ceux qui étaient clairement favorables, ceux qui ne l’étaient pas, et ceux qui jouaient un double jeu. Mais au nom de la cohésion nationale et de l’amour de la patrie, nous avions décidé de travailler avec tous ceux qui se présentaient comme favorables. Il y a des gens que nous avions officiellement présentés ici comme étant de notre côté, mais au vu de l’évolution des choses, nous nous rendons compte qu’ils jouaient un jeu… », s’est-il désolé.

Un revirement risquant d’amplifier le conflit

L’allégeance de Kabido et de ses hommes risque de bouleverser la dynamique des opérations contre les rebelles du M23 dans la province du Nord-Kivu. Ce groupe, qui compte plus de 2 000 combattants, pourrait renforcer la rébellion s’il parvient à rallier l’ensemble de ses troupes.

Le FPP/AP est actif dans le territoire de Lubero, précisément sur les axes Mbwavinywa (son quartier général) – Bunyatenge – Kasugho – Muhangi – Ombole – Manguredjipa, ainsi que dans la partie nord du territoire de Beni et dans le territoire de Mambasa, en province de l’Ituri. À l’instar de l’Alliance des Patriotes pour un Congo Libre et Souverain (APCLS) de Janvier Karahiri et du Nduma Defense of Congo Rénové (NDC-R) de Guidon Shimirayi, le FPP/AP est l’un des groupes armés les mieux structurés et influents du Nord-Kivu.

Kabido, longtemps connu pour sa lutte au sein des groupes Maï-Maï, rebaptisés aujourd’hui Wazalendo (signifiant patriote en français), prétendait défendre les intérêts de sa communauté contre l’agression rwandaise et contre les Forces Démocratiques Alliées (ADF), un groupe armé d’origine ougandaise affilié à l’État islamique.

Son ralliement au M23 pourrait profondément modifier l’équilibre des forces dans la province du Nord-Kivu. Non seulement il renforce le M23 en lui apportant de nouveaux combattants et une présence accrue sur le terrain, mais il met également en lumière les dissensions internes entre certains groupes armés congolais et le pouvoir central, alimentant ainsi une spirale de tensions et d’incertitudes dans l’opinion publique.

Une allégeance peu surprenante pour certains

Depuis longtemps, la société civile dénonçait les exactions commises par les combattants du FPP/AP dans le territoire de Lubero. Ils étaient accusés d’installer des barrières illégales dans leurs zones d’influence et de commettre d’autres violations des droits humains.

En octobre 2024, aux côtés d’une demi-douzaine d’autres groupes armés, le FPP/AP avait déjà été épinglé pour son implication dans le pillage des ressources naturelles. Ses hommes contrôlaient plusieurs sites miniers, notamment Fungulamacho, Matiba, Itika, Ombole et Robinet, où ils imposaient des taxes illicites et monopolisaient le commerce de certains produits prohibés.

Retour sur les faits

Dans une vidéo devenue virale sur la toile, Darwin Augustin, porte-parole du FPP/AP de Kabido, a annoncé l’adhésion du Front Commun de la Résistance (FCR) – une plateforme regroupant le FPP/AP et le NDC-R/M d’un certain Mapenzi – à l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23) de Corneille Nangaa, la branche politique du M23.

Dans sa déclaration, il justifie ce revirement en dénonçant « l’affairisme » de certains militaires congolais, qu’il accuse de s’être transformés en « commerçants de minerais ». Il fustige également le retrait sans explication des troupes congolaises du front, les pillages, les viols et la tracasserie infligée aux populations. Il critique aussi le manque de reconnaissance des sacrifices des groupes d’autodéfense par les autorités, qui, selon lui, les privent de logistique pour défendre l’intégrité du pays.

Kabido en difficulté pour convaincre

L’allégeance inattendue et surprenante de Kabido au M23 a provoqué des tensions au sein de l’opinion publique et parmi ses alliés. Plusieurs groupes Wazalendo ont immédiatement annoncé leur désolidarisation. Parmi eux :

Maï-Maï Kifuwafuwa, basé à Walikale Synergie des Mouvements Wazalendo Front Nord, basé à Butembo Union des Patriotes pour la Libération du Congo (UPLC), dont la base est située à Kalunguta, sur la route Beni-Butembo Une faction dissidente du FPP/AP basée à Mambasa, en Ituri

Ces désaveux illustrent les difficultés de Kabido à rallier toutes les factions du FPP/AP sous sa nouvelle bannière.

Delphin Mupanda / MCP, Nord-Kivu

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