Présenté comme l’une des réformes phares de la République démocratique du Congo, le Guichet unique de création d’entreprise (Guce) a commencé sa lente agonie depuis un certain temps.
Si l’annonce officielle de la suspension momentanée du traitement des dossiers n’est intervenue qu’en novembre 2023, l’établissement public était déjà dans le viseur du Gouvernement depuis juin 2023, en raison, notamment, des longs délais d’attente et de la discontinuité du service. Aujourd’hui, la fermeture de l’établissement public fait craindre désormais une dégringolade de la cotation du pays.
Depuis quelques mois, il n’est plus possible de créer une entreprise en RDC suite à la suspension momentanée des activités du Guce. « Aucune réception des demandes de création des nouvelles sociétés, aucun acte d’entreprise n’a été notarié depuis plusieurs mois. Ce mardi 9 janvier, j’ai décidé de confier mon dossier à un avocat pour le suivi », explique un opérateur économique désappointé joint sur place. « Selon un communiqué partagé largement par l’établissement public, c’est une machine qui serait en panne. Cela occasionne un frein pour beaucoup de gens », poursuit-il.
En effet, un communiqué du Guce signé par son directeur général, Amisi Herady, parle exactement d’une panne technique de son système de gestion des dossiers. Pourtant, la haute direction reste optimiste :« le Guce reprendra dès le redémarrage du système dont les travaux sont en cours ».
En l’absence d’une échéance claire de reprise du travail, les supputations gagnent du terrain. Franklin Tshamala, vice-ministre honoraire du Plan, fait à son tour quelques révélations : « Le Guce est fermé à cause du non-paiement de la facture des fournisseurs des services d’internet sécurisé ».
Que se passe-t-il concrètement au Guce ? Pour y répondre, au moins trois pistes se dégagent. Partant de la thèse officielle, en l’occurrence la panne technique, elle n’est pas totalement rejetée par les experts au regard de la complexité du projet Guce. L’objectif fondamental est de réduire les procédures, la durée et les coûts pour augmenter l’enregistrement, les bénéfices et les activités.
Par ailleurs, il s’agit aussi de renforcer le secteur formel dans une économie dominée par l’informel. Le succès de la réforme tient simplement à la bonne coordination, et à une connectivité informatique solide entre les différents organismes et ministères gouvernementaux, mais également avec les banques et les organismes de crédit. « La pérennité du système informatique est un défi en raison des aptitudes et compétences requises pour gérer l’intégrité de la base de données », note un expert. Une machine en panne peut très bien perturber le Guce qui fonctionne à la fois comme une entreprise virtuelle et physique, renchérit-il.
« Toutefois, il est difficile de penser que l’établissement public, au regard de son importance stratégique, soit forcé à l’arrêt depuis plus d’un mois pour une simple panne de machine ».
Autre piste envisagée, le problème financier qui pourrait avoir influencé la mise hors course du Guce. Lors de la réunion du Comité de pilotage du groupe thématique « Climat des affaires, partenariat public-privé, promotion des investissements et de l’emploi », le 2 novembre 2023, la directrice générale adjointe, Kisolokele Mvete, a parlé des indicateurs au rouge. « Le Guce se meurt. Le Guce a, à ce jour, beaucoup de difficultés. Il nous arrive d’avoir des arriérés des frais de fonctionnement de plusieurs mois. Ce qui, pour une réforme phare, ne saurait s’expliquer ». Il serait ainsi plausible d’envisager des perturbations suite à un non-paiement de la facture des fournisseurs de services d’internet sécurisé.
En outre, la DGA y a ajouté le problème des effectifs et les défis de la digitalisation. « Nous sommes prêts à démarrer la création en ligne d’entreprises, notre système informatique nous permet de le faire mais il faut l’appui du Gouvernement pour aller plus loin ».
Quant à la dernière piste, elle semble s’inscrire davantage dans le prolongement des difficultés financières réelles de l’établissement public. Le vendredi 16 juin, quelques jours à peine après la sortie médiatique du numéro 2 du Guce, le président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, a abordé cette question lors d’une réunion du Conseil des ministres. Il a ouvertement critiqué les longs délais d’attente et la discontinuité du service. En plus des réponses aux difficultés de financement, et de prise en charge des agents et mutualisation des services intervenants, le premier des Congolais a exigé une évaluation de la réforme du Guce pour identifier des pistes susceptibles de favoriser l’optimisation de l’accomplissement des formalités des entreprises.
Pour une autre catégorie d’experts, la plus grosse crainte est surtout économique : « La création d’entreprise est un indicateur important dans l’amélioration du climat des affaires. Ne soyons pas étonnés que cela impacte la cotation de la RDC », conclût notre opérateur économique. Mais il s’agit d’un autre débat.
Nous y reviendrons.
Laurent Ifayemba