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« Joseph Kabila parle aujourd’hui mais sans jamais condamner l’agresseur réel de la RDC, qui est le Rwanda » (Thierry Monsenepwo)

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Dans une interview exclusive accordée à MediaCongo Press (MCP), ce lundi 24 février, Thierry Monsenepwo, haut cadre de l’Union sacrée, dénonce l’attitude de l’ancien président Joseph Kabila qui a pris la parole en public, sans condamner l’agresseur reel de la République démocratique du Congo.

MCP : Après plusieurs années de silence depuis qu’il a quitté le pouvoir, Joseph Kabila a finalement parlé. Estimez-vous que cela peut aider la RDC à retrouver la paix à l’Est ?

Thierry Monsenepwo : le silence peut être une posture de sagesse, mais lorsqu’il est suivi de prises de parole biaisées, il devient une tentative de manipulation. Joseph Kabila parle aujourd’hui, mais sans jamais condamner l’agresseur réel de la RDC, qui est le Rwanda. Comment peut-on prétendre vouloir la paix sans dénoncer l’ennemi qui occupe notre territoire avec 5000 soldats ?

Félix Tshisekedi, lui, a eu le courage de pointer du doigt les vrais responsables et d’agir : il a mobilisé la Sadc, renforcé l’armée, et obtenu un large soutien diplomatique contre l’agression rwandaise. Parler, c’est bien. Mais encore faut-il dire la vérité et ne pas détourner l’attention pour protéger une stratégie qui ne dit pas clairement son nom et qui, à première vue semble être pro M23, pro Alliance fleuve Congo et surtout pro Kigali, qui malheureusement utilisent la même rhétorique que celle de cette interview.

Selon Joseph Kabila, le problème à l’Est c’est Félix Tshisekedi. Partagez-vous cet avis ?

Affirmer que Félix Tshisekedi est le problème à l’Est, c’est non seulement travestir la réalité, mais c’est aussi occulter les véritables causes du chaos dans cette région. L’insécurité dans l’Est n’a pas commencé avec Tshisekedi, elle est le fruit de décennies de compromissions, de la porosité des frontières et de la faiblesse structurelle des forces de défense sous les régimes précédents.

Contrairement à ses prédécesseurs qui ont toléré et même institutionnalisé la présence des anciens groupes rebelles dans l’armée nationale, Tshisekedi a adopté une approche de rupture :

• Fin de la politique d’intégration aveugle des rebelles dans l’armée : en 1997 déjà on a connu un chef d’état-major général rwandais en la personne de James Kabarebe. Et sous Kabila, les anciens du Congrès national pour la défense du peuple (Cndp) et du M23 se sont retrouvés dans les Forces armées de la RDC (Fardc), infiltrant les structures de défense au profit de l’ennemi. Aujourd’hui, cette stratégie est abandonnée : les Fardc sont en cours de refonte avec une réorganisation plus stricte et un assainissement des rangs. La majorité parlementaire a mis un terme à ce phénomène de brassage et de mixage.

• Une diplomatie offensive et non complaisante : Félix Tshisekedi a obtenu des condamnations officielles du Rwanda par des puissances majeures comme les États-Unis, l’Union européenne et les Nations unies. C’est la première fois que la RDC parvient à mobiliser la communauté internationale contre Kigali.

• Des opérations militaires plus structurées : Contrairement a quelques ratés enregistrés dans le passé, les Fardc sous Kabila avaient eu du mal à empêcher le Cndp d’occuper Bukavu en quelques semaines et au M23 d’occuper Goma en quelques jours en 2012, aujourd’hui, malgré un soutien massif du Rwanda, le M23 a peiné à atteindre ses objectifs notamment Goma et Bukavu, et ce, après plus de trois ans de combats, preuve d’une armée plus résistante et mieux organisée.

Si le problème à l’Est était réellement Félix Tshisekedi, alors comment expliquer que le Rwanda n’ait jamais été aussi isolé sur la scène diplomatique ? Comment expliquer que l’agresseur peine à atteindre ses objectifs malgré son armement sophistiqué ? Comprenez que dans l’Est de la RDC l’armée n’affronte pas que l’armée rwandaise. Mais aussi des hordes de mercenaires et des puissances obscures qui ne jurent que de piller nos richesses.

Le problème à l’Est, ce n’est pas Tshisekedi, c’est l’héritage d’un système complexe, qui a permis à l’ennemi de s’enraciner pendant près de 3 décennies. Tshisekedi, lui, est en train d’y mettre fin.

Pensez-vous que Joseph Kabila acceptera la main tendue de Félix Tshisekedi pour que le FCC fasse partie du gouvernement d’union nationale ?

L’appel à un gouvernement d’union nationale lancé par Félix Tshisekedi est un acte politique de grande maturité et de responsabilité. Il reconnaît que le pays traverse des défis majeurs qui nécessitent une synergie nationale, au-delà des divergences partisanes.

Toutefois, certains analystes pensent que Joseph Kabila et son camp politique ont toujours fonctionné dans une logique d’accaparement du pouvoir plutôt que dans une approche participative. L’histoire récente démontre qu’ils n’ont jamais véritablement accepté une dynamique d’unité nationale, selon les analyses pertinentes du chercheur patrick Mbeko :

• En 2016, Kabila a préféré repousser les élections plutôt que de permettre une alternance pacifique.

• En 2018, malgré la transition, il a tout fait pour maintenir un contrôle indirect sur les institutions à travers une majorité parlementaire artificielle.

• Pendant tout le premier mandat de Tshisekedi, son camp n’a eu de cesse d’entraver les réformes et de freiner les initiatives de gouvernance.

Accepter aujourd’hui de rejoindre un gouvernement d’union nationale signifierait pour Kabila reconnaître la légitimité de Tshisekedi et admettre que le leadership actuel est le seul capable de fédérer les forces nationales.

Mais une question fondamentale demeure : Kabila est-il prêt à servir la Nation en tant que simple acteur politique, ou préfère-t-il rester prisonnier de son passé et de ses ambitions personnelles ?

Le peuple congolais veut l’unité pour vaincre l’ennemi, reconstruire le pays et avancer vers la stabilité. Félix Tshisekedi, en appelant toutes les forces à se joindre à lui, démontre qu’il est un leader rassembleur, tourné vers l’avenir. L’histoire jugera ceux qui répondront présents… et ceux qui resteront enfermés dans leur logique de division et d’opposition stérile.

 

Propos recueillis par Daniel Aloterembi

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