L’accord signé le 25 avril 2025 entre les ministres des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo et du Rwanda, à Washington, sous l’égide du Secrétaire d’État américain Marco Rubio, « devra être ratifié par le Parlement congolais », estime Eugène Diomi Ndongala lors d’un entretien mardi 29 avril 2025 avec MCP.
Selon lui, cet accord marque une étape importante dans les efforts diplomatiques pour mettre fin aux violences dans l’Est de la RDC, en particulier face aux avancées des rebelles du M23, soutenus par le Rwanda.
L’accord engage les deux pays à rédiger un projet d’accord de paix d’ici le 2 mai 2025, avec des engagements mutuels pour respecter la souveraineté de chacun et cesser tout soutien aux groupes armés. Compte tenu de la date actuelle, le 29 avril 2025, les négociations sont en cours, et la question de savoir si cet accord doit être approuvé par les parlements respectifs des deux pays est cruciale.
Mais pour qu’il devienne une réalité solide, légitime et qu’il soit imposable « erga omnes » (à tous), une étape cruciale s’impose : sa ratification par les parlements des deux pays.
Une question de démocratie, de transparence et de respect de la Constitution
Cet accord, aussi prometteur soit-il, ne peut s’imposer à tous, dans les futures étapes du processus de paix globale, sans passer par les institutions.
La Constitution congolaise est claire : les traités de paix doivent être ratifiés par le Parlement, comme le stipulent ses articles 213 et 214. C’est un acte fondamental qui garantit que cet engagement reflète la volonté du peuple congolais.
La Constitution de la RDC détaille le processus de ratification des traités internationaux dans ses articles 213 à 216. Selon l’article 213, le Président de la République négocie et ratifie les traités, mais le gouvernement peut conclure des accords ne nécessitant pas de ratification, après délibération du Conseil des ministres, tout en informant l’Assemblée nationale et le Sénat.
Mais l’article 214 précise que certains traités, notamment ceux relatifs à la paix, au commerce, à l’adhésion à des organisations internationales, à l’engagement des finances publiques, à la modification des lois nationales, au statut des personnes ou à l’échange ou à l’ajout de territoire, doivent être ratifiés ou approuvés par la loi.
Étant donné que l’accord en question est un traité de paix, il entre dans cette catégorie et nécessite donc une approbation parlementaire.
L’article 215 ajoute que les traités ratifiés, une fois publiés, ont une autorité supérieure aux lois, sous réserve de leur application par l’autre partie.
Enfin, l’article 216 stipule que si la Cour constitutionnelle déclare une clause du traité inconstitutionnelle, une révision constitutionnelle est nécessaire avant la ratification.
Analyse constitutionnelle du Rwanda
La Constitution du Rwanda aborde aussi la ratification des traités internationaux dans les articles 167 et 168. L’article 167 confère au président de la République ou à son délégué le pouvoir de négocier et de signer les traités, avec la possibilité de les ratifier, tout en notifiant le Parlement après conclusion. Cependant, certains traités, y compris ceux concernant l’armistice, la paix, le commerce, l’adhésion à des organisations internationales, l’engagement des finances de l’État, la modification de la législation nationale, ou le statut des personnes, nécessitent l’approbation du Parlement.
Les traités cédant ou échangeant une partie du territoire rwandais, ou ajoutant du territoire d’un autre pays, ne peuvent être ratifiés sans un référendum. L’article 168 précise que les traités ratifiés, une fois publiés au Journal officiel, ont force de loi nationale, conformément à la hiérarchie des normes établies à l’article 95 (inférieure à la Constitution et aux lois organiques, supérieure aux lois ordinaires).
Étant donné que l’accord de paix dont sera question entre dans la catégorie des traités de paix, il nécessite l’approbation du Parlement rwandais.
En confiant cette tâche à nos parlementaires, on offre une chance unique de débattre des termes de l’accord, de poser les bonnes questions et de veiller à ce qu’il serve avant tout nos intérêts, répondant ainsi aux craintes de certains par rapport au contenu de ce futur accord.
Un engagement mutuel pour une paix crédible
Trop souvent, des accords ont échoué faute de soutien solide.
En les faisant ratifier, on montre le sérieux et la détermination, tout en incitant le Rwanda à faire de même.
« Ce serait un pas historique vers une coopération régionale fondée sur la confiance et la responsabilité partagée et surtout, une première, dans la tumultueuse histoire diplomatique entre les deux pays », conclut Eugène Diomi Ndongala qui pense que cet accord abordera des enjeux majeurs : la sécurité aux frontières, l’exploitation des ressources naturelles ou encore l’arrêt du soutien aux groupes armés.
LM