Le calme est revenu à Oïcha, chef-lieu du territoire de Beni (Nord-Kivu), après la dernière tuerie de 27 civils dans le quartier Masosi par les rebelles présumés des Forces démocratiques alliées (ADF) lundi 23 octobre 2023, le deuxième lourd bilan depuis 2014. En dehors du choc et des émotions provoqués par cette nouvelle attaque, les Forces armées de la RDC, la population et les organisations de la société civile se rejettent les responsabilités à tort ou à raison.
D’après les Forces armées, par le biais du porte-parole des opérations Sukola 1, secteur opérationnel qui contrôle les villes de Beni et de Butembo et les territoires de Beni et de Lubero, le capitaine Anthony Mualushai, les services de sécurité étaient déjà informés d’une probable incursion des rebelles ADF. C’est cette alerte qui a été à la base d’une réunion de sécurité entre le commandant des opérations Sukola 1, le général-major Kasongo Maloba Robert et les commandants des unités locales, sous la présidence du lieutenant-général Mbangu Mashita Marcel, commandant de la 3ᵉ zone de défense. Ces réunions se sont respectivement tenues à Oïcha et à Eringeti.
Les Fardc ont indiqué que l’attaque des ADF relève des représailles suite à des pertes subies dans les affrontements à Tingwe, quelques jours avant. C’est pourquoi, « au moment même de la tenue de ces réunions, les ADF avaient déjà des dispositifs dans la commune d’Oïcha, grâce à ses collaborateurs, ses antennes vivant sur place », a-t-il expliqué.
Le porte-parole de l’armée congolaise dans la zone a ajouté que certains collaborateurs des ADF ont été détectés et qu’ils seront arrêtés pour avoir « donné l’occasion à l’ennemi de contourner les positions militaires pour mener cette opération ».
Négligence des Fardc ?

Par ailleurs, une grogne s’observe au sein de la population qui dénonce « la négligence » des Forces armées de la RDC, informées bien avant mais n’ont pas su prévenir l’attaque. « L’ennemi les a contournées, comment alors qu’elles ont la responsabilité de protéger la population ? À notre simple avis, il y a des commandants qui devraient se justifier à la justice militaire. Mais si cela n’est pas fait, ce qu’il y a un problème à ce niveau-là aussi », estime Isaac Kavalami, président de la société civile d’Oïcha.
« Tout ce qu’on est en train de déplorer jusqu’à présent est qu’il n’y a pas vraiment une mobilisation de l’armée pour traquer l’ennemi. Il a traversé aujourd’hui même à 10 h 20, devant nos propres yeux à Tandibo en venant à Oïcha. Nous demandons à l’armée de bien faire son travail […] », a poursuivi le député provincial Alain Siwako.
Le député national Kambale Musemo Daniel lui recommande une enquête indépendante pour établir les responsabilités des uns et des autres.
La diversion à l’avantage des ADF
D’après des rescapés approchés le lendemain de cette attaque, les assaillants sont arrivés dans la zone scindés en trois groupes sans que personne se rende compte de leur présence. Il y a ceux qui se sont chargés de tuer les civils par armes blanches, de piller des biens des civils dont leurs bétails et ceux positionnés au rond-point Kacheza pour empêcher toute intervention.
Cette situation est un mode opératoire des rebelles ADF depuis plusieurs années. Cette diversion a été rapportée dans plusieurs précédentes incursions déplorées dans la région de Beni.
L’acteur politique Saddam Patanguli estime quant à lui que les forces de sécurité devraient organiser les jeunes dans chaque cellule pour empêcher d’éventuelles attaques à Beni, comme c’est le cas dans les territoires de Rutshuru et Masisi.
« Du côté de Rutshuru les wazalendo sont autorisés d’intervenir aux côtés des Fardc. C’est de la même manière que dans le territoire de Beni, on doit autoriser les jeunes de pouvoir intervenir d’une manière coordonnée […] », a-t-il recommandé.
Delphin Mupanda/MCP, Nord-Kivu