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Situation sécuritaire dans l’Est : le Nord-Kivu et l’Ituri confrontés à une crise à la fois humanitaire et de protection aiguë

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La situation sécuritaire et sociohumanitaire reste préoccupante dans l’Est de la République démocratique du Congo. Les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri sont les plus touchées par cette crise à la fois humanitaire et de protection. Cette situation est provoquée par des conflits armés depuis des décennies.

La situation humanitaire continue à se détériorer, avec des déplacements massifs de population et des atteintes aux droits humains. En dépit du contexte volatil, les acteurs humanitaires maintiennent leur présence et continuent d’apporter, malgré les défis, leur assistance aux populations affectées.

Regain de violence dans le Nord-Kivu

D’après la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), les combats récurrents entre groupes armés dans le territoire de Masisi (8 civils tués depuis mi-décembre), le regain des attaques meurtrières contre la population civile dans les territoires de Beni et de Lubero (518 morts en 2023), des assassinats ciblés et enlèvements des civils dans le territoire de Rutshuru (13 personnes enlevées) et l’activisme des groupes armés dans des sites de déplacés dans le territoire de Nyiragongo (2 déplacés déjà tués) préoccupent les humanitaires.

Cette situation a provoqué plus de 2.5 millions de personnes déplacées internes sur l’ensemble de la province, à la date du 31 décembre 2023.

Ituri : crise de protection…et tensions intercommunautaires

Dans la province de l’Ituri, plus de 2 millions de personnes vivent dans une situation de déplacement. Près de 400 mille d’entre elles vivent dans 72 sites de déplacés sur l’ensemble de la province. Il s’agit des personnes qui fuient les violences des groupes armés. D’après la Monusco, cette province compte 5 groupes armés locaux et étrangers.

Karna Soro, chef de bureau de la Monusco à Bunia, indique que ces groupes armés tuent en moyenne 130 personnes chaque mois. Un chiffre en baisse par rapport à il y a quelques mois, grâce aux efforts conjugués de la Monusco et des FARDC. Au moins 800 personnes sont mortes dans ces violences au cours du premier semestre de l’année 2023.

Insécurité alimentaire aiguë

Les personnes déplacées qui vivent dans des familles d’accueil ou dans des sites sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë. C’est le cas du territoire de Djugu qui compte une trentaine de sites de déplacés dont : Drodro, Roe, Lodha, Jaiba 1 et 2, Gina, Amer, etc. En dehors des activités d’exploitation de l’or, le secteur agro-pastoral est le principal moyen de financement et de survie de la population de ce territoire.

Mais aujourd’hui, la population accède difficilement aux activités champêtres, à cause de l’activisme des groupes armés dits d’autodéfense. C’est le cas de la Coopérative pour le développement du Congo (Codeco), disloquée aujourd’hui en plusieurs factions (URDPC, ARDPC, Barcelone, Temple du Bon Dieu), ou de Zaïre.

Le site de Lodha, situé dans le groupement de Dzna, secteur de Walendu-Pitsi, héberge plus de 9200 personnes, en quête d’une assistance multisectorielle.

« Nous souffrons ici dans le site. Même si nous osons nous rendre dans les champs, nous sommes pourchassés par la Codeco, ils sont présents dans la zone. C’est pourquoi nous ne vivons ici que de l’assistance des ONG », confirme Musi Desi Vanité, déplacée de guerre vivant dans le site de Lodha.

« Quand ils oublient à nous venir en aide, la faim frappe et la situation se détériore. Ici, dernièrement, quelqu’un est décédé pour manque de nourriture, parce que le PAM venait de nous oublier pendant toute une année sans assistance », renchérit de son côté Dieudonné Loyi, l’un des responsables du site.

Réponse tardive du gouvernement congolais à la crise

Les autorités congolaises sont conscientes de cette crise humanitaire qui augmente la vulnérabilité des personnes déplacées de guerre. Le gouverneur de la province d’Ituri, le général Johnny Luboya Nkashama, indique que des mesures avaient déjà été planifiées de concert avec la Monusco et les acteurs humanitaires ; malheureusement retardées à cause de l’organisation des élections au pays.

« Chaque jour, nous avons ici des réunions avec les humanitaires. Il y avait une solution qui était déjà préconisée. C’est-à-dire qu’il devrait y avoir beaucoup plus de moyens pour intervenir davantage. Nous avions des assurances et nous avions déjà travaillé avec la Monusco sur ce point là. Nous avions même toutes les agences qui étaient représentées, ils avaient déjà fait un plaidoyer, on avait promis encore comme d’habitude beaucoup d’argent, malheureusement cet argent n’est pas arrivé. Mais de la même façon, aussi, nous parlions avec notre gouvernement. Il ne faut pas oublier aussi le contexte qu’en Afrique, quand il y a des élections, les choses sont perturbées parce que c’est beaucoup d’argent qu’on dépense et ça handicape beaucoup d’activités […] », explique-t-il.

La Monusco en avant plan de protection

En vue de permettre à la population d’accéder à ses différentes activités, la Monusco a déjà mis en place des mécanismes de protection. Le contingent népalais, qui a un camp à Jaiba, situé dans la chefferie de Bahema-Badjere, accompagne quasiment chaque jour des cultivateurs dans leurs champs. Ils organisent, 7 jours sur 7, de jour comme de nuit, des patrouilles de dissuasion dans la zone pour leur permettre de contrôler tous les sites, qui sont souvent aussi la cible des attaques.

« C’est la Monusco qui nous sécurise ici. Ils [les casques bleus] organisent ici des patrouilles chaque jour, même la nuit. Ils nous accompagnent également dans les champs. Si les assaillants les repèrent, ils ne peuvent même pas nous approcher. Ils fuient aussi », explique Immaculée Tumavé, déplacée vivant dans le site de Djaiba 1.

Dieudonné Padou, lui, demande au gouvernement de se rassurer de la récupération de toutes les armes qui circulent encore illégalement entre les mains des civils, avant le départ de la Monusco.

« Nous sommes arrivés ici grâce à la Monusco. C’est l’unique force du milieu. Il y a des effectifs insuffisants des militaires congolais. Oui, la Monusco peut partir, mais qu’on nous rassure que toutes les armes ont été récupérées des mains des groupes armés », déclare Dieudonné Padou, président du site de Djaiba.

Les autorités congolaises, la Monusco ainsi que les acteurs humanitaires tentent d’atténuer les effets de cette crise sans précédent. Malheureusement, ils font face à plusieurs défis : notamment les moyens de communication, le communautarisme, ou encore la très faible et mauvaise qualité de la couverture de la zone par les compagnies de téléphonie cellulaire. Ces défis ne rendent pas toujours facile les différentes réponses apportées pour soulager les souffrances des populations et même pour mettre fin à l’insécurité.

Delphin Mupanda/MCP

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